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Comment optimiser les mécanismes de financement de la reprise ?

Actualité du comité Transmission – juin 2022

Comité/commission
Transmission d’entreprises

L’enjeu pour l’acheteur est d’obtenir son financement et de l’obtenir dans les meilleures conditions.

 

Financement bancaire et part d’apport standard

L’acheteur va généralement souhaiter recourir le moins possible à sa trésorerie et faire jouer l’effet de levier au maximum.

Jusqu’où cette optimisation est-elle possible ? Les conditions risquent-elles de se durcir ?

Il n’y a pas de norme universelle concernant les ratios d’endettement, mais beaucoup d’auteurs évoquent un levier d’endettement de 2, 1/3 de fonds propres et 2/3 de dettes (cf. Arnaud Thauvron, Evaluation d’entreprise page 274).

Il faut noter que dans ce type d’opérations, l’utilisation de la trésorerie de la cible est considérée comme un apport en fonds propres.

La capacité d’endettement peut également s’exprimer par rapport au résultat opérationnel de la cible.

Certains experts du secteur du LBO en France estiment qu’un endettement est raisonnable pour une opération lorsqu’il est inférieur à 5 fois le résultat opérationnel.

De nombreuses banques évoquent une capacité d’emprunt entre 3 et 4 fois l’EBE.

Quant à la BCE, elle considère comme devant être « surveillé » un ratio de levier supérieur à 6 fois le résultat opérationnel, soit le taux observé juste avant la crise de 2008.

Nous avons tendance à privilégier l’approche de l’endettement par rapport au résultat opérationnel, plutôt que par rapport aux fonds propres. En effet, l’important est que la dette puisse être remboursée avec le résultat dégagé par l’entreprise. Nous constatons, sur de nombreux dossiers, qu’apporter 1/3 de fonds propres n’est pas suffisant pour équilibrer le plan de financement, dans la mesure où la CAF dégagée n’est pas suffisante pour rembourser les 2/3 d’endettement.

Évidemment, ces ratios ne sont que des indicateurs. C’est le plan de financement qui est le « juge de paix », car il permet d’apprécier la capacité de la cible à rembourser l’emprunt avec des prévisions raisonnables.

Ces conditions d’endettement favorables pourraient-elles être modifiées ?

Avant la crise, en juin 2018, la BDF mentionnait, dans son rapport sur l’évaluation des risques du système financier français, « La France est ainsi le grand pays européen présentant le plus haut ratio d’endettement des sociétés non financières » et a donc demandé aux banques de limiter leur exposition aux entreprises les plus endettées

En juin 2020, dans un document publié par la BDF intitulé « Matrice des risques du système financier », les risques liés à l’endettement financier sont considérés comme systémiques.

La dernière enquête de la BCE sur la distribution du crédit bancaire dans la zone euro « signale, globalement, un durcissement des critères d’octroi des prêts aux entreprises au premier trimestre de l’année ; les prêteurs s’inquiétant davantage des risques auxquels leurs clients sont confrontés dans un environnement incertain. Le durcissement des critères d’octroi devrait se prolonger dans les mois à venir, sous l’effet de la prise en compte par les banques des retombées économiques négatives de l’agression de l’Ukraine par la Russie et du renchérissement de l’énergie » (source : Le bulletin économique de la BCE n°3/2022 publié le 28/04 2022).

Cependant, à ce jour, nous n’observons pas plus de refus de financement qu’avant la crise, dans nos opérations de recherche de financement dans le cadre de LBO. Nous observons une étude plus approfondie des dossiers, une plus grande tendance des banques à partager le risque avec d’autres acteurs du financement, une centralisation des prises de décisions à un niveau hiérarchique supérieur. Mais, les dossiers continuent à être financés.

Ce que confirme la dernière enquête Banque de France sur l’accès des entreprises au crédit 1er trimestre 2022 : « Les demandes de nouveaux crédits d’investissement se stabilisent à des niveaux légèrement inférieurs à ceux d’avant-crise, avec 8 % des TPE, 18 % des PME et 25 % des ETI ayant fait une demande. Les taux d’obtention restent élevés et en légère hausse pour ces crédits, à 89 % de demandes satisfaites (en totalité ou à plus de 75%) pour les TPE, 97 % pour les PME. Le taux d’obtention pour les ETI perd 3 points ce trimestre, à 95 % d’obtention des crédits demandés« .

 

Les différés de remboursement

Un différé de remboursement permet à l’entreprise de conforter sa trésorerie avant de commencer à rembourser sa dette LBO.

Les différés sont généralement de 6 à 12 mois.

Par prudence, nous préconisons d’établir le plan de financement sans faire apparaitre le différé qui doit être considéré comme un bonus, mais pas comme indispensable pour la réalisation de l’opération.

 

Le Prêt Transmission

Le Prêt Transmission est un contrat de prêt distribué par Bpifrance. Il a les caractéristiques suivantes :

  • Objet : faciliter le financement de la reprise d’entreprise
  • Durée : 5 à 7 ans avec différé d’amortissement jusqu’à 2 ans
  • Prêt jusqu’à 1 500 k€ limité au montant des fonds propres de l’emprunteur
  • Pas de suretés réelles et/ou personnelles
  • Retenue de garantie de 5% du montant total du prêt
  • En complément d’un prêt bancaire
  • Représente au maximum 40% de l’ensemble des prêts mis en place
  • Échéances trimestrielles

Malgré un taux d’intérêt élevé, de 3,08%, le Prêt Transmission est avantageux pour l’emprunteur, compte tenu du différé de remboursement accordé (jusqu’à 2 ans).

Il permet également d’intervenir en complément de banques qui souhaiteraient limiter leurs risques sur un dossier. Celles-ci apprécient d’autant plus le Prêt Transmission qu’il permet de répartir le risque entre les préteurs, sans répartir les flux, car Bpifrance n’est pas une banque de dépôt. C’est pourquoi le Prêt Transmission est souvent un passage quasi obligé pour beaucoup d’emprunteurs.

 

Les prêts d’honneur

Ils peuvent être accordés aux créateurs ou aux repreneurs d’entreprise.

Il existe deux principaux réseaux de prêts d’honneur : le Réseau Entreprendre et France Initiative.

Les sommes prêtées sont relativement modestes, de 30 à 50 000 €, et sont parfois abondées par certaines régions, notamment l’Île-de-France à hauteur du prêt obtenu. Ces prêts sont sans intérêt ni garantie et sont remboursables sur 5 ans.

Le recours à ces prêts n’est pas marginal. France Initiative annonce 320 000 entreprises soutenues depuis sa création et 22 487 entreprises financées en 2019. Le Réseau Entreprendre mentionne un réseau de 14 000 chefs d’entreprise.

Bien que modestes, ils permettent un effet de levier de confiance, d’une part, et une meilleure intégration dans le tissu économique local, d’autre part.

Le capital confiance : l’instruction des prêts d’honneur est réalisée par des chefs d’entreprise, des banquiers et des conseils. Le projet de l’acheteur est donc analysé finement. L’attribution du prêt d’honneur a donc un effet d’entrainement positif auprès des banques, même si les sommes qui leur sont demandées sont bien plus élevées que celui-ci.

L’intégration dans le tissu économique : ces réseaux proposent aux chefs d’entreprise d’être parrainés par un chef d’entreprise local, ce qui permet une meilleure connaissance du tissu économique.

 

La contre garantie Bpifrance

La contre-garantie Bpifrance est un passage quasi obligé dans le cadre de transmission de PME/TPE. Elle permet de transférer une partie significative du risque associé au financement sur l’organisme de garantie.

En 2021, Bpifrance a observé que l’activité de garantie accordée dans le cadre de la transmission d’entreprise a augmenté de 21% (source Bpifrance Document d’enregistrement universel 2021).

Cette garantie limite le risque pour la banque, mais également les garanties apportées par l’emprunteur.

Les conditions pour en bénéficier sont les suivantes :

  • Acquéreur et cible doivent répondre à la définition européenne de la PME,
  • Financement de la majorité des parts sociales,
  • Garantie de 50% du concours bancaire, portée à 70% si intervention conjointe de la région

Le coût de cette contre-garantie s’élève à 0,72% de l’en-cours. Ce coût n’est pas neutre. Ainsi, pour un prêt de 2 000 K€ sur 7 ans, le coût est de 45 k€. Attention ; cette somme est prélevée au closing. Son paiement n’est pas échelonné et il faudra donc l’inclure dans le plan de financement de départ. Elle fait partie des sommes à financer dans le montage financier.

 

 

Article d’Alexandre Tellier, expert-comptable et membre du comité Transmission de l’Ordre des experts-comptables Paris Île-de-France

 

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