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Le financement de la transmission par les fonds d’investissement

Actualité du comité Transmission – juin 2022

Comité/commission
Transmission d’entreprises

Jusqu’à récemment, la part des fonds de capital-transmission dans le financement de la reprise de TPE/PME était négligeable au regard du financement par emprunt bancaire et par apport personnel.

Cependant, le capital-transmission est une source de financement complémentaire intéressante (et relativement abondante) en cas d’insuffisance d’apport personnel du repreneur (membre de la famille, dirigeant-salarié, repreneur personne physique) ou en cas de durcissement des conditions d’octroi du crédit bancaire.

Le financement par un fonds est une possibilité réservée aux sociétés d’une certaine taille : à partir de 5/7 M€ de chiffre d’affaires, car en deçà, le coût d’analyse et de suivi serait trop élevé.

Il est surtout réservé aux sociétés en capacité de dégager des dividendes, puisque dans la quasi-totalité des cas, le montage choisi sera celui du « leveraged buy-out » (LBO) : création d’une holding de reprise qui rachète la société-cible en contractant un emprunt, qui sera remboursée grâce aux remontées de bénéfices de la société rachetée.

La prise de participation du fonds dans la holding de reprise peut être minoritaire ou majoritaire, et la sortie du fonds (revente des titres) se fait en général au bout de 4 à 7 ans.

Pour aligner les intérêts des parties prenantes, le fonds négociera un pacte d’actionnaires et proposera un management package en cas de reprise par des dirigeants salariés (MBO, MBI).

Le fonds peut compléter son apport en fonds propres (actions ordinaires ou actions de préférence) par un financement en quasi-fonds propres (droits de souscription, options, OCA, ORA…) ou un prêt. Dans ce cas, la structuration adéquate de la dette (senior-bancaire, mezzanine, subordonnée) conditionne la viabilité de la société post-reprise.

Pour un repreneur, l’entrée d’un fonds présente plusieurs avantages et notamment celui de s’adosser à un partenaire financier indépendant (et transitoire) avec un projet de développement rapide pour la société rachetée et dans un contexte financier sécurisé pour les premières années post-reprise.

La présence d’un fonds au capital peut permettre d’investir plus dans la société rachetée, de la digitaliser, de réaliser des opérations de croissance externe, de développer ses positions sur des marchés nouveaux ou à l’international… Un fonds partenaire apporte notamment sa connaissance du secteur, son réseau d’affaires, ses compétences stratégiques, sa capacité à lever des fonds supplémentaires.

Inversement, l’entrée d’un fonds présente des inconvénients pour le repreneur : la dilution du repreneur au capital, une gouvernance partagée si le fonds est actif, l’alignement inévitable de ses intérêts sur la stratégie du fonds, à savoir maximiser le potentiel de plus-value de cession des titres sur un horizon de 4 à 7 ans.

Concernant l’opération de reprise elle-même, la recherche d’un effet de levier élevé d’endettement bancaire peut faire monter le prix d’acquisition et l’entrée d’un fonds peut rallonger les délais de l’opération de reprise (due diligences d’acquisitions menées par le fonds, approbation de l’opération par le comité d’investissements du fonds, etc.).

Enfin, il existe un risque d’affaiblir durablement la société rachetée en pourchassant simultanément des objectifs de trésorerie excédentaire pour rembourser la dette bancaire d’une part, et des objectifs de création de valeur pour l’actionnaire, d’autre part.

En conclusion, en cas d’entrée d’un fonds de capital-transmission, l’expert-comptable peut avoir un rôle important à jouer aux côtés du repreneur pour élaborer (dans le cadre des due diligences d’acquisition) un business plan de qualité reflétant le futur modèle d’affaires et un plan de financement équilibré et viable pour la société rachetée.

Post-reprise, l’expert-comptable aura un rôle essentiel à jouer auprès du repreneur pour sécuriser les opérations et l’atteinte des objectifs, mettre en place des outils de suivi, reporting et tableaux de bord et établir des projections financières fiables.

 

 

Article de Laurence Guenancia, expert-comptable et membre du comité Transmission de l’Ordre des experts-comptables Paris Île-de-France

 

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