Parole d’expert – Interview de Florence Hauducoeur, présidente du comité LBC-FT : Les rôles et responsabilités des experts-comptables dans les opérations suspectes
Actualité du comité CSE – Mai 2024
Dans cette interview exclusive, Florence Hauducoeur, présidente du comité LBC-FT, nous éclaire sur les missions essentielles de cet organe régalien. De la définition des orientations politiques à la mise en œuvre des contrôles, en passant par le rôle de conseil auprès des professionnels, découvrez comment ce comité œuvre pour assurer la conformité et l’intégrité de la profession comptable face aux défis du blanchiment d’argent et du financement du terrorisme. Florence nous explique également les obligations spécifiques des experts-comptables, notamment dans le cadre des missions d’expertise économique au profit des CSE, et les principes qui guident leurs déclarations de soupçon.
Jean-Luc Scemama : Bonjour Florence, peux-tu nous présenter l'activité du comité LAB que tu présides ?
Le comité LBC-FT est un organe régalien dont le rôle est défini par les textes applicables à la profession. Il est exclusivement composé de membres du CNO, élus en session, qui travaillent dur !
Son rôle est triple :
- Il a une délégation pour définir l’orientation de la politique de la profession en matière de LBC-FT, dans le respect de la réglementation bien sûr. Il élabore l’analyse des risques de la profession ;
- Il a un rôle de conseil auprès des professionnels, par exemple à travers le développement de formations dédiées, de conférences et d’articles, ainsi que du numéro vert accessible à tous les professionnels sur le sujet ;
- Il est autorité de contrôle en matière de LBC-FT. Il organise et met en œuvre les contrôles LBC-FT. Son président peut engager des actions disciplinaires et doit alors en avertir le procureur de la République.
Je vous encourage à lire le rapport annuel du comité LBC-FT, qui sera disponible en juillet 2024 sur ReflexLAB et qui est une mine d’informations sur ce sujet.
Gérard Lejeune : Sauf erreur, en cas d'identification d'une opération suspecte, l'expert-comptable du CSE devrait procéder à la déclaration de soupçon, même si elle ne concerne pas son client mandataire (le CSE), mais l'entreprise sur laquelle porte sa mission d'expertise économique. Comment analysez-vous cette obligation ?
Trois grands principes s’appliquent pour les experts-comptables :
- Les règles LBC-FT s’appliquent à toutes les missions de l’expert-comptable, quel que soit son client ;
- L’expert-comptable n’a pas à effectuer d’investigation spécifique pour rechercher un éventuel blanchiment ou s’assurer qu’il n’y a pas de blanchiment ;
- Mais si l’expert-comptable a un doute ou un soupçon sur une opération, quelle qu’elle soit, il doit effectuer une déclaration de soupçon s’il n’a pu lever le doute. Il ne peut pas fermer les yeux.
Dans le cadre de la mission d’expertise économique au profit des CSE, l’expert-comptable doit donc effectuer une déclaration s’il soupçonne un blanchiment au sein de l’entreprise. Bien entendu, avant de faire la déclaration, il devra avoir fait ses diligences de clarification sur l’opération suspecte.
Les déclarations de soupçon sur des opérations qui ne touchent pas le client direct ne sont pas réservées aux missions légales au profit des CSE. À titre d’exemple, elles peuvent également s’appliquer aux missions dites d’audit d’acquisition.
Gérard Lejeune : Au regard de la norme LAB-FT du CNOEC, l'expert-comptable du CSE devrait informer le ou les commissaires aux comptes de la société de ses constats et les confronter à ceux des Commissaires aux comptes dans le cadre d'une réunion de travail entre les professionnels (l'expert-comptable du CSE, commissaires aux comptes de la société, et éventuellement avocat de la société) pour se coordonner et améliorer sa déclaration à TRACFIN avec celles des commissaires aux comptes. Confirmez-vous cette lecture de la norme ?
Le principe est bien connu : il est interdit de porter à la connaissance de quiconque, à l’exception du comité LBC-FT, l’existence et le contenu d’une déclaration de soupçon sous peine de sanctions pénales.
Le code monétaire et financier a toutefois prévu quelques exceptions, qui sont reprises dans la NPLAB. Il est ainsi possible de communiquer une information sur l’existence et le contenu d’une déclaration de soupçon à un expert-comptable ou un commissaire aux comptes ou un avocat lorsqu’ils interviennent pour un même client et dans une même opération ou ont connaissance pour un même client d’une même opération.
Si l’exception existe, elle ne crée pas une obligation pour l’expert-comptable du CSE de partager ses constats avec le commissaire aux comptes de la société ou son avocat et encore moins de les confronter dans le cadre d’une réunion de travail.
L’attitude de l’expert-comptable du CSE dépendra donc du cas d’espèce et relèvera de son seul jugement professionnel. Avec confraternité !