Vue des toits de Paris

27 mai 2022 – Transfert de déficits : Notion de « changement significatif » d’activité

(CAA Paris, 15 décembre 2021, n°20PA00678, SAS Mann-Hummel France)
Actualité du comité Transmission – novembre 2022

Comité/commission
Transmission d’entreprises

La Cour Administrative d’Appel de Paris décide que constitue un changement significatif d’activité le passage, par la société absorbée, d’une activité de fabrication à une activité de commercialisation, faisant dès lors obstacle au transfert de ses déficits à l’absorbante.

En cas de fusion bénéficiant du régime de faveur, les déficits antérieurs générés par la société absorbée et non encore déduits au jour de la fusion et qui ne bénéficient pas du transfert de plein droit, peuvent être reportés sur les bénéfices ultérieurs de la société absorbante si un agrément est obtenu à ce titre.

Le Conseil d’État a précisé que la condition relative à l’absence de changement significatif de l’activité à l’origine des déficits doit s’apprécier au regard de la seule activité transférée. En particulier, l’Administration ne saurait, pour évaluer si l’activité transférée a subi un changement significatif, prendre en compte des éléments relatifs à une autre activité que celle à l’origine des déficits dont le transfert est demandé.

L'histoire

Une société, qui exerçait son activité dans le domaine de la filtration de l’air, a été absorbée le 31 mars 2016 par une société du même groupe, avec effet rétroactif au 1er janvier 2016.

Préalablement à cette opération, la société absorbante avait sollicité la délivrance de l’agrément prévu à l’article 209, II du Code Général des Impôts, pour pouvoir bénéficier du transfert des déficits non encore déduits par la société absorbée.

L’Administration a refusé de faire droit à cette demande, au motif que l’activité à l’origine des déficits dont le transfert était demandé avait fait l’objet d’un changement significatif. Elle soulignait, à cet égard, que la société absorbée avait connu, au cours de la période déficitaire, une diminution de 80 % de son activité globale, de 93 % des immobilisations consacrées à son activité et de 92 % de l’effectif des salariés. Elle considérait que ces changements étaient la conséquence de l’arrêt de l’activité principale de production et de distribution de systèmes de filtration et de dépoussiérage de l’air, exercée par la société au cours de la période de 2002 à 2005, à laquelle s’était substituée sur la période de 2006 à 2015 une activité différente, de distribution et de découpe, et, en outre, de la réduction importante de ces 2 activités sur la période de 2006 à 2015.

La société absorbante soutenait, elle, qu’elle avait présenté la demande d’agrément pour reporter les déficits de l’activité globale qu’exerçait l’absorbée, consistant en la commercialisation des systèmes de filtration d’air et en la découpe de panneaux, maintenue après la restructuration de la société opérée en 2005 – et reprise par l’absorbante en 2015.

La décision de la Cour Administrative d’Appel de Paris

Reprenant le principe posé par le Conseil d’État dans sa décision Sté Serena Caoutchouc (CE, 25 octobre 2017, n°401403), la Cour rappelle d’abord que la condition relative à l’absence de changement significatif de l’activité à l’origine des déficits doit s’apprécier au regard de la seule activité transférée, avant de le décliner au cas d’espèce.

Si elle ne conteste pas que la société absorbée avait bien exercé une activité de découpe de panneaux, elle juge que cette activité était distincte de ses autres activités, et était, de plus, bénéficiaire – de sorte qu’elle ne pouvait pas être regardée comme se trouvant à l’origine de tout ou partie des déficits dont le transfert a été demandé par la requérante.

Elle relève ensuite qu’à compter de sa réorganisation intervenue en 2005, la société avait cessé toute activité de fabrication pour se tourner vers une activité de négoce, consistant en l’achat et la revente de produits de filtration.

Elle en conclut donc à l’existence d’un changement significatif d’activité – la société absorbante n’étant, par ailleurs, pas en mesure d’établir que l’activité de commercialisation, à supposer qu’elle puisse être regardée comme une activité distincte de celle de production des systèmes de filtration, aurait généré des déficits.

On notera que la société requérante ne s’est pas pourvue en cassation.

 

Article de Louis Bacot, membre du comité Transmission de l’Ordre des experts-comptables Paris IDF

Group 6