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Management Package : la dernière donne jurisprudentielle

Actualité du comité Transmission – juin 2022

Comité/commission
Transmission d’entreprises

Depuis l’arrêt Gaillochet du 26 novembre 2014 (Conseil d’Etat 26 septembre 2014 n° 365573) et la diffusion de la carte des radars fiscaux par l’Administration fiscale en 2015, la question de l’imposition des gains résultant de managements packages est restée très présente, tant du côté des juridictions que du Comité de l’Abus de Droit.

 

Derniers en date, trois arrêts de plénière du Conseil d’État viennent définir une nouvelle grille de lecture à partir d’un faisceau d’indices permettant d’établir l’imposition des gains d’options ou de bons de souscription d’actions dans la catégorie des traitements et salaires, lorsque ces gains sont essentiellement la contrepartie des fonctions de salarié ou de dirigeant, s’attachant, notamment, à l’existence de conditions d’incessibilité des titres ou d’un lien de subordination de l’investisseur (Conseil d’État, 13 juillet 2021, n°428506, n°435452, n°437498).

 

Le Conseil d’État a récemment fait application de cette nouvelle grille et confirmé l’imposition du gain en traitements et salaires en relevant que la plus-value de cession trouve essentiellement sa source dans les fonctions de salarié et peut être redressée en totalité lors de l’année de cession des titres, sans s’attacher aux critères retenus par les juges du fond et jusqu’ici validés par les praticiens et les juridictions comme l’existence d’un risque financier (Conseil d’État, 17 novembre 2021,  n° 439609).

 

De même, au regard des conditions de réalisation du gain, un dirigeant, en faisant l’acquisition d’actions, a participé, à « un pur système de bonus, dans lequel jusqu’au bout, cession incluse, l’employeur est aux manettes : l’intéressé n’est depuis l’entrée jusqu’à la sortie considéré qu’en tant que dirigeant, sans jamais agir comme un capitaliste gérant son patrimoine, et le gain de cession lui-même n’apparaît, compte tenu des conditions de sa réalisation organisée par l’employeur et à l’initiative de celui-ci, que comme procédant de la volonté de l’employeur d’attribuer une rémunération complémentaire au dirigeant en rétribution de son travail. » (Conseil d’État, 28 janvier 2022,  n° 433965)

 

Sans préjuger d’une application plus ou moins compréhensive de la méthode du faisceau d’indices et en gardant à l’esprit la charge de la preuve qui incombe à l’administration, ces décisions font, en tout état de cause, peser sur les management packages de nouvelles contraintes qui ne contribuent pas à la sécurité juridique et fiscale de telles opérations et créent des incertitudes auprès des managers.

Les conseils peuvent intervenir à différents niveaux : dans la mise en place de nouveaux packages, dans la renégociation des packages en cours ou encore dans l’appui des dossiers concernant les management packages « débouclés ».

S’agissant des packages existants, ce basculement du contrôle des management packages vers des critères plus subjectifs avait, cependant, pu être anticipé par une rédaction appropriée des termes et conditions ou le recours à des instruments payants ou encadrés par le Code de commerce, et ce, à la suite, notamment, de l’arrêt Barrière en matière de sécurité sociale qui adoptait une approche similaire au regard du lien avec l’activité de l’investisseur (Cour de Cassation 2e Civ., 4 avril 2019 n°17-24470).

Pour les nouveaux packages, une analyse au cas par cas de la structuration semble nécessaire avant de mettre en place d’éventuelles mesures de sécurisation : ajustement des termes et conditions, adaptation du rapport de valorisation.

 

 

Article de Louis Bacot, expert-comptable et membre du comité Transmission de l’Ordre des experts-comptables Paris Île-de-France

 

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